« S’accepter », voilà un mot qui n’est parfois pas facile à mettre en application. Le film documentaire « Light » a libéré des paroles auxquelles je me suis identifiée, et m’a donné à mon tour l’envie d’écrire. « Escalade et troubles alimentaires » : ces quelques lignes témoignent à cœur ouvert de mon expérience face aux troubles alimentaires, et la manière dont l’escalade me réconcilie avec mon corps.
L’origine
Avant de me découvrir une passion pour l’escalade et les voyages, je pratiquais l’équitation en loisirs comme en compétitions. J’étais passionnée et le milieu équin m’a beaucoup aidée durant mon adolescence. Cette période synonyme de puberté, de changements corporels, de découverte de soi, de vulnérabilité, a été un chapitre important de ma vie.
Chacun s’approprie ces quelques années à sa manière et évolue différemment selon son passé, ses rencontres, ses envies. Pour ma part, l’acceptation de mon corps a été très difficile, liée à une puberté précoce et d’autres problèmes personnels. Ça n’a pas été évident de devoir faire face à tous ces changements prématurés. Mais je ne pouvais pas aller à l’encontre de dame Nature, je devais donc accepter ces transformations.
Au bout de quelques années, les choses se sont inversées pour moi. Je voulais à tout prix effacer mes formes. À l’âge de 14 ans, j’ai été confrontée à l’anorexie.
La spirale infernale
Volontairement, je me suis mise à restreindre mon alimentation. Cette restriction s’accompagnait de courses à pied quasi quotidiennes. J’avais l’idée qu’en pratiquant plus de sport tout en mangeant moins, j’allais maigrir plus vite. Je n’avais pas conscience de ce que j’étais en train de faire, mais c’était le début d’un engrenage sans fin. En un mois j’avais perdu cinq kilos. La sensation de me sentir toujours plus légère était une satisfaction, une fierté.
Or, l’anorexie c’est juste de la tromperie. C’est un cercle vicieux qui enferme notre esprit dans une petite boîte noire, emportant avec elle la confiance en soi. La vision que j’avais de mon corps était déconnectée de la réalité. Mes pensées étaient comme possédées par la nourriture. Puis il y avait cette culpabilité, que je compare à un petit diable me disant que je faisais quelque chose de mal, dès que je m’autorisais un écart alimentaire.
Je me suis renfermée sur moi-même. Je ne supportais plus ma poitrine, mes cuisses, mes joues. Les petits rituels du quotidien tels que s’habiller, manger, sortir ou encore se regarder dans une glace étaient devenus source d’angoisse. C’était une sorte de contrôle permanent, envahissant et malsain.
Au bout d’un an, mon corps payait les conséquences de cette spirale infernale, dont des dérèglements hormonaux et autres joyeusetés. Un jour où j’allais chez le coiffeur, il m’a fait savoir que je commençais à perdre mes cheveux … Et le déclic a eu lieu, j’ai enfin pris conscience de l’ampleur de la situation. Bien trop précieux mes cheveux ! 😆
J’ai réussi à sortir du cercle vicieux dans lequel j’étais tombée, sans pour autant faire la paix avec mon corps et retrouver totalement confiance en moi. Puis la découverte de l’escalade est devenue pour moi, une sorte de « thérapie » d’acceptation de soi.
🌟 Escalade et troubles alimentaires
J’ai commencé l’escalade en janvier 2020. Je ne pensais pas que ce sport prendrait autant de place dans mon cœur et dans ma tête en si peu de temps.
L’escalade
Étant une grande fan de danse, j’ai souvent tendance à comparer ce sport artistique à l’escalade, comme un moyen d’expression. Grimper m’offre un sentiment de lâcher prise et brise petit à petit le besoin que j’ai de toujours tout contrôler. La sensation que j’éprouve lorsque je grimpe est comparable à un sentiment de plénitude, où s’ensuit une chorégraphie de mouvements à la verticale entremêlant technique, équilibre, gestuelle, rythme et style. Chacun de mes gestes me font prendre conscience de mon corps. Je me sens entière.
J’ai aussi compris que grimper ne se joue pas qu’à la force des bras, le mental a tout autant sa place. Ce sport ne reflète pas qu’une force physique, il faut apprendre à danser face à la paroi avec ses atouts. L’escalade participe à renforcer positivement la perception que j’ai de mon corps, ainsi qu’à me redonner confiance. Elle m’émancipe d’un certain mal-être, me permettant d’accepter mon corps, d’en être fière. La nourriture et le manque de confiance en moi ne sont plus mes adversaires, mais au contraire, ils deviennent de précieux alliés.
La montagne : merveille de la nature
Ce qui m’a le plus attiré dans l’escalade, et ce qui m’a donné l’envie d’en faire, c’est la montagne ! En quelques mois j’ai eu la chance de découvrir plusieurs aspects de l’escalade, dont une initiation à l’alpinisme dans le Massif des Écrins. ⛰️
Grimper en falaise et l’escalade en montagne ne m’ont pas apporté les mêmes choses. Je trouve les sensations différentes entre les deux, et mes émotions éprouvées en montagne étaient amplifiées. La falaise m’apporte plus de sécurité, la montagne me rend plus vulnérable. Je me souviens d’une brise d’air procurée par l’altitude et ses paysages, façonnant un sentiment différent de liberté. Comme si elle avait ses propres caractéristiques suivant le lieu où l’on grimpe : une liberté à multiples facettes.
Je suis tombée sous le charme des grandes voies, l’escalade dure plus longtemps, et j’aime beaucoup cette idée de « durée ». Le plaisir demeure dans le temps. La montagne avait absorbé mon esprit dans son univers, ne laissant aucune place à la lassitude. J’étais dans un environnement qui m’était nouveau et pourtant je me sentais bien. Ce n’était pas un voyage à l’autre bout du monde, mais je voyais intérieurement : je ne doutais plus, j’avais confiance en moi.
Cette expérience n’a fait que confirmer ma passion naissante pour l’escalade et la montagne. Je crois qu’il existe des éléments qui, inconsciemment, nous recentrent sur nous-même, nous ramènent à l’essentiel en repoussant ce besoin de contrôle constant. Pour moi, la gestuelle et les sensations qu’offre l’escalade, ainsi que son environnement, font partie de ces éléments.
Pensées personnelles
Sept ans après cette prise de conscience, je garde encore un rapport très particulier à la nourriture. Le temps a fait son œuvre et j’ai compris que s’alimenter n’est pas synonyme de prendre du poids. Manger est tout simplement essentiel pour le moral, l’énergie, la concentration… Pour le corps dans son intégralité. Mais savoir se raisonner lorsqu’une pensée est ancrée dans la tête telle une dépendance est une gymnastique difficile à effectuer.
Je n’étais pas seule pour faire face aux troubles alimentaires, mon entourage a été d’un appui primordial. La communication joue un rôle fondamental dans certaines situations : les mots libèrent, le silence étouffe. S’entourer des bonnes personnes est tout aussi important car les mots et les actes ont un pouvoir.
C’est d’ailleurs ce qui me plaît aussi beaucoup dans l’escalade : sa communauté. Je n’ai rencontré que des belles personnes, avec lesquelles je peux me sentir moi-même. Il y a vraiment cette idée de simplicité partagée, où les uns et les autres s’entraident et s’encouragent sans jugement, même si il y a une différence de niveau.
Je n’ai d’influence sur personne, mais j’espère que ces quelques lignes permettront de montrer que chacun d’entre nous peut trouver son propre chemin, afin de sortir d’un problème qui le hante.
L’acceptation de soi peut être un long processus. Mais je suis sûre de l’existence d’éléments pouvant nous redonner confiance, et permettant ainsi un accord avec nous-même. Il faut réussir à trouver un juste équilibre, de sorte à ce que la balance soit en parfaite harmonie avec votre corps, vos choix, vos relations et vos rêves.
Pour moi, l’escalade me réconcilie avec qui je suis. Il y a encore quelques montagnes à gravir en quête de paix totale avec moi-même, mais j’ai trouvé cet équilibre harmonieux … 🌟❤️
Petit plus !
N’hésitez pas à aller jeter un œil à l’article « Light » : un film documentaire sur les troubles alimentaires en escalade, où le sujet de l’alimentation est abordé sous l’angle de la performance chez les grimpeurs de haut niveau. 😉